Endymion
La chasse l'habite encore. Au travers de ses veines
comme d'un fourré, jaillit la bête.
Des vallées prennent forme, des étangs en forêt
reflètent la biche tandis que derrière elle
alerte court le sang du dormeur clos,
tourmenté par la brutale évanescence
de l'arsenal confus des rêves.
Mais la déesse, elle qui n'a jamais connu l'union,
va, adolescente, par les nuits de tous les âges,
elle qui s'est accomplie elle-même
dans les cieux, sans rencontrer personne,
elle se pencha sans bruit sur les flancs du dormeur,
et de ses épaules elle fit briller
soudain la coupe où il buvait le sommeil.
Rainer Maria Rilke
Poèmes à la nuit
Editions Verdier 11220 Lagrasse, 1994
Traduit de l'allemand par Gabrielle Althen et Jean-Yves Masson (p79)